Christophe Girardet, PDG de Victor & Compagnie

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
“Je suis boulanger, pâtissier. J’ai actuellement cinq adresses sur la région lyonnaise. Je travaille avec mon épouse et j’ai 45 collaborateurs à l’heure actuelle.


Quelle est votre particularité ?
Je suis à l’origine de la création de la filière : Les Robins des Champs, qui est une filière locale. Le but est de s’associer avec des agriculteurs qui font leur blé et donc de proposer une baguette 100% locale à nos clients.

 

Comment définiriez-vous votre métier ?
Je fais un métier passionnant, dans l’air du temps, qui se réinvente sans cesse, surtout en ce moment. Je propose des produits locaux, traçables, vrais et sains. Les gens ont envie de se retrouver et sont très attentifs à leur consommation, à ce qu’ils mangent, si ça leur fait du bien ou non.
La farine, le pain, ce sont les produits de base de la nourriture française. La nourriture est une énergie qui sert à faire fonctionner notre corps et notre cerveau. Il est donc important de proposer une nourriture de qualité.
C’est un métier qui se réinvente chaque jour avec l’arrivée de nouveaux concepts très innovants, une clientèle qui nous bouscule, qui demande de nouvelles choses pour s’adapter à leur quotidien et c’est donc à nous de nous réinventer pour proposer

le meilleur: c’est un métier dynamique.


Quelle est, selon vous, la place de la boulangerie-pâtisserie-viennoiserie dans la culture française ?
La boulangerie-pâtisserie-viennoiserie a toujours eu une belle place dans la culture française et encore aujourd’hui. Les français reçoivent une multitude d’informations diverses et variées et ils sont perdus dans toutes ces informations alors que le pain reste la base de la nourriture en France. L’image du béret, de la baguette et du fromage est encore présente, il faut donc qu’on arrive à s’attacher à ça. Mais pour cela, il faut que le produit soit de qualité.

Certains pays ont développé des produits à outrance pour nourrir une population grandissante mais il ne faut pas négliger la qualité des produits et la qualité de la matière première : le blé.

Il faut arriver à être plus transparent, et être fier de ce que l’on fait, c’est le plus important, à mon sens.

 

Quelles sont les raisons qui vous ont amenées à travailler dans le secteur (familiale, hasard, passion) ? Racontez-nous !
Ce fut un choix assez simple ! J’ai commencé par un cursus d’apprentissage pour faire de la pâtisserie, c’est ce qui me passionnait le plus.
Mes parents étaient artisans bouchers, mais j’avais peur du sang et des couteaux ! J’étais le plus gourmand donc le produit sucré s’est imposé à moi, je me suis rapidement tourné vers la boulangerie-pâtisserie. Je voyais plus d’avenir dans la boulangerie-pâtisserie que dans la pâtisserie pure. 
Le marché de la pâtisserie pure se concentre sur des produits élitistes. Le métier est en train de se sectoriser avec la pâtisserie très chic, très marquetée, où on communique beaucoup dessus.

Et de l’autre côté, on a la pâtisserie de boulangerie : produits bien faits, belles recettes ( je travaille sur le flan), beaux produits. La pâtisserie du boulanger est nomade car il y a de plus en plus de restauration boulangère, donc la pâtisserie doit être la plus nomade possible pour répondre aux changements des consommateurs.

Par exemple, un éclair c’est nomade, un tiramisu dans une coupelle c’est nomade mais un chou chantilly est moins nomade donc on se focalise sur le nomadisme de nos gammes pour coller à notre activité de restauration boulangère. 


Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier ?
Ce qui me plaît avant tout c’est de m’entourer de collaborateurs, de les former et de les faire s’élever : c’est très important pour moi. Et d’avoir créée cette filière : en vendant du bon pain.
Je fais aussi vivre des agriculteurs et toute une filière, et quand je dis je fais vivre, c’est-à-dire justement rémunéré (équitable, local). Quand je vends mes produits, je sais que derrière tout le monde travaille bien avec le respect de la terre pour cultiver son blé.

Créer une chaîne de valeur pour que tout le monde puisse s’y retrouver.


La recette dont vous êtes le plus fier ?
Je suis fier de ma région, de mon territoire. J’ai créé la « baguette des gones » (le petit lyonnais) : j’ai remplacé l’eau par du vin rouge (Beaujolais) et ajouté de la rosette de Lyon dans ce pain : produit un peu rose, l’alcool s’évapore à la cuisson donc les jeunes enfants
peuvent en consommer et c’est un produit bien garni.


Un souvenir, une rencontre, une anecdote qui vous a marqué ?
La rencontre avec mon maître d’apprentissage qui a été une rencontre déterminante pour l’avenir. Comme beaucoup de personnes, les rencontres sont très importantes voire primordiales dans ce milieu, pour donner envie de faire ce métier, comme une sorte de
« modèle » à suivre. Apprécier et embrasser ce métier que je fais encore.

J’ai commencé très tôt, j’avais 15 ans et cela a été déterminant. Même si l’apprentissage et les conditions de travail à cette époque étaient loin de ce qu’on fait maintenant et de ce qu’on ne peut plus faire maintenant.

A cet âge-là, on choisi un métier mais comme beaucoup de jeunes on le choisi en fonction des parents (ou non). Les rencontres sont donc déterminantes, c’est l’image d’une personne à suivre.
Moi j’avais un patron d’apprentissage : créateur de la coupe du monde de la pâtisserie. Il avait des photos avec le président américain, le président de la République. Il m’a dit : “moi c’est mon métier qui a fait que j’ai pu parcourir le monde et rencontrer des gens
extraordinaires”. Et là je me suis dit que si je faisais bien ce métier, je pourrai un jour aussi rencontrer un président (sans que je veuille forcément faire ça mais que voilà, ça peut être une réussite professionnelle).


Un petit mot pour la fin ?
Ce qui est important à dire : ce métier est plein d’avenir où on va pouvoir nourrir et bien nourrir les français, les européens et voire plus avec nos bons produits, avec un métier d’avenir.

Je suis, par exemple, très admiratif de ce que fait Julien Cantenot de l’Atelier P1 :  sélection des produits très qualitatifs, produits assez chers mais un vrai respect du produit.
Nous voyons aujourd’hui beaucoup de personnes en reconversion professionnelle qui choisissent de se tourner vers la boulangerie-pâtisserie-viennoiserie car ils veulent redonner du sens à leur vie, faire un produit qui est différent tous les jours, le voir pétrir, gonfler, cuire au four. Et avoir la chance et l’honneur de vendre à un client.

Dans certains métiers, tu n’as pas cette relation.
C’est important de donner une bonne énergie aux clients pour bien réfléchir et bien travailler. »


Christophe Girardet, PDG de Victor & Compagnie